La
saga de Tina Turner a tout d'un mauvais roman, un roman truffé de tant
d'invraisemblances qu'aucun éditeur n'accepterait de le publier. Comment
croire qu'une jeune fille travaillant dans les champs de coton du Tennessee
puisse être remarquée par l'un des musiciens les plus en vue de
son pays, qu'il fasse de leur association le duo noir le plus connu de la planète
avant de la laisser au bord du chemin avec ses 4 enfants et sans un sou ? Comment
imaginer que cette femme, réduite à monnayer son talent dans les
clubs les plus minables, puisse revenir au premier plan et devienne la superstar
du rock féminin, un sex-symbol, l'idole de la jeunesse, et cela à
presque 50 ans ? Non décidément, rien ne colle dans ce roman,
à un détail près : c'est que tout est vrai.
Pour l'Etat
Civil, Tina Turner c'est Annie Mae Bullock. Elle est née le 26 novembre
1939 à Nutbush, un trou perdu du Tennessee :
Interview
Tina Turner
C'est
à l'ouest de Memphis, juste entre deux villes qui ont fusionné
depuis. /// Ça m'a pris dès la naissance. En fait depuis mon plus
jeune âge. Professionnellement, j'ai commencé beaucoup plus tard:
j'avais environ 17 ans et je terminais mes études. Ensuite j'ai déménagé
à St Louis, dans le Missouri. Mais quand je vivais à Nutbush,
je participais à des concours, je chantais dans les églises, ce
genre de choses.
C'est
en 1956 dans un club de Saint Louis que Tina fait la connaissance de Ike Turner
et ce n'est pas par hasard. Elle est venue là tout exprès, car
elle voudrait absolument chanter dans son groupe, les Kings of Rhythm. Et au
bout du compte, elle arrive à ses fins :
Interview
Tina Turner
Ce
qui s'est passé, c'est qu'un des musiciens a descendu le micro vers les
spectateurs et s'est mis à taquiner ma soeur, lui demandant de chanter.
Mais ma soeur et très timide et de toute façon, elle ne chante
pas. Et le microétait là, devant moi... Alors je l'ai pris et
je me suis mise à chanter. Ike a été très surpris
car trois mois auparavant, je lui avais demandé de faire partie de son
groupe et il m'avait répondu : OK, on t'écrira. Il était
persuadé que j'étais nulle et que, comme beaucoup de filles de
l'époque, j'avais la voix haut perchée. Et c'était le contraire.
A partir de ce moment, j'ai chanté avec Ike chaque week-end et j'ai travaillé
avec lui sur le matériel de ses futurs albums.
Tina
et Ike Turner se marient en 1958 et ils obtiennent leur premier succès
dans les charts rhythm & blues avec "A fool in love", un titre
paru en 1960 sur le label Sue. Ike Turner embauchent alors un trio de choristes
qu'ils baptisent les Ikettes et c'est le début de la "Ike &
Tina Turner Revue". Le show proposé est entièrement axé
sur la personnalité de Tina, la lionne; c'est un spectacle explosif de
sensualité provocante que le New York Times qualifie même de pornographique.
Ike
& Tina Turner enregistrent pour de nombreux labels et continuent à
aligner les succès comme "It's gonna work out fine" en 61 et
"Poor fool" en 62. C'est durant la préparation du film "The
T.N.T. Show" qu'ils sont amenés à rencontrer le producteur
Phil Spector. Le résultat de cette rencontre, c'est le légendaire
"River deep, mountain high", un titre enregistré en une nuit,
le 7 mars 1966.
"River deep, mountain high" est un énorme succès en Angleterre où le single se classe n°3. Par contre, c'est un échec aux Etats-Unis où il stagne à la 88ème place des charts. Finalement, Ike & Tina Turner devront attendre 1969 pour être reconnus dans leur pays après avoir fait les premières parties des Rolling Stones. En 71, après avoir popularisé la soul music en Europe, Ike & Tina s'attaquent au répertoire pop blanc avec leur reprise de "Proud Mary", le classique de Creedence Clearwater Revival : c'est leur succès américain le plus important. En ce qui concerne les albums, leur plus grosse vente et leur seul disque d'or c'est "WHAT YOU HEAR IS WHAT YOU GET", un album public enregistré en 71 au Carnegie Hall à New York.
Après
un dernier tube en 1973 grâce à une composition autobiographique
de Tina, "Nutbush City limits", la Revue prend fin avec le divorce
de Ike & Tina Turner, le 15 octobre 76. Ike et Tina sont donc restés
mariés 18 ans et ont élevé quatre fils. Pendant les 7 premières
années de leur union, tout s'est bien passé. Puis, les choses
ont commencé à changer, à se dégrader, surtout à
cause du caractère extrêmement violent de Ike. Tina s'est efforcée
de supporter les excès de son mari du mieux qu'elle a pu afin de laisser
aux enfants le temps de grandir. Finalement, c'est une altercation plus violente
que les autres avec son mari qui l'a décidée à partir.
Lorsqu'elle s'en va, Tina n'a sur elle que 36 cents, une carte de crédit
essence et les vêtements qu'elle porte. A bout, elle se réfugie
dans un hôtel de Dallas où le directeur qui l'a reconnue lui donne
sa suite la plus luxueuse. Tina reviendra payer la note deux ans plus tard.
A l'époque où elle était encore avec Ike, Tina avait déjà
travaillé sur 3 albums solo : "LET ME TOUCH YOUR MIND" qui
était paru en 72, "TURNS THE COUNTRY ON" en 74 et "ACID
QUEEN" en 75. "Acid Queen" rappelle bien sûr le rôle
qu'elle jouait dans "Tommy", la version filmée par Ken Russell
de l'opéra-rock des Who.
Après son divorce, Tina décide de repartir de zéro avec l'aide de quelques rares amis fidèles. Alors que Ike la poursuit partout comme un forcené, revolver en poche, elle est hébergée pendant 6 mois par l'actrice Ann Margret, l'ex-"petite fiancée" d'Elvis. Dans ce climat défavorable, Tina continue à enregistrer et deux albums décevants sont mis sur le marché : "ROUGH" en octobre 78 et "LOVE EXPLOSION" en 79. Suite à ces expériences malheureuses et aussi pour découvrir d'autres horizons musicaux, Tina Turner change alors de manager et c'est Roger Davies qui a l'idée de la faire se frotter aux rythmes électroniques. En 1982, il la met en contact avec Martyn Ware et Ian Craig Marsh de Heaven 17 et de la British Electric Foundation qui produisent pour elle "Ball of confusion", la reprise d'un succès des Temptations.
"MUSIC
OF QUALITY AND DISTINCTION, VOL. 1", l'album sur lequel figure "Ball
of confusion", est un succès en Angleterre. Il incite Tina à
retravailler avec la même équipe, cette fois sur la reprise du
n°1 de Al Green, "Let's stay together". Grâce à ce
titre, elle retrouve enfin les charts : n°6 en Angleterre, n°26 aux
Etats-Unis.
L'album
"PRIVATE DANCER" qui reprend "Let's stay together" paraît
en mai 84. Outre la British Electric Foundation, on y remarque plusieurs musiciens
qui vont prendre une place importante dans la vie de Tina, notamment Rupert
Hine et Terry Britten :
Interview
Tina Turner
Commençons
par Rupert Hine, un producteur extraordinaire. Pas le plus grand, mais un des
meilleurs avec qui j'ai travaillé. Il a écrit les chansons spécialement
pour moi, avec sa partenaire. Ils m'ont demandé comment je vivais, ce
que je pensais, et ils en ont tiré une histoire qu'ils ont exploitée.
C'est incroyable cette façon de cerner la vérité, de définir
une personne avec cette précision. Quant à Terry Britten, c'est
un grand musicien doublé d'un excellent compositeur. C'est ce que je
recherche maintenant : des gens capables d'écrire des tubes, des gens
qui ont le truc, de la musique à la production, en passant par les textes.
Et puis, je me sens bien avec eux, il n'y a aucun problème. Et quand
il y en a, on s'assoit, on discute, et on trouve la solution qui me convient
le mieux.
En très peu de temps, "Private dancer" se vend à plus de 5 millions d'exemplaires. Outre les musiciens déjà cités, beaucoup d'artistes prestigieux ont participé à son élaboration, dont Jeff Beck, les Crusaders et surtout Mark Knopfler qui en a signé le titre générique. Mais l'album a surtout bénéficié d'une fantastique locomotive, le single "What's love got to do with it" qui est n°1 à peu près partout dans le monde et notamment aux Etats-Unis en septembre 84. Outre Atlantique, Tina Turner décroche 4 Grammy Awards : celui de la meilleure chanteuse pop de l'année, celui de la meilleure chanteuse rock pour son interprétation de "Better be good to me", et "What's love got to do with it" est consacré meilleur disque et meilleure chanson de l'année. Pourtant, si Tina avait suivi son idée première, c'est un titre qu'elle n'aurait sans doute pas enregistré :
Interview
Tina Turner
Au
départ, c'est une chanson que je n'aimais pas. Au premier stade de la
maquette, j'ai dit : Non, ce n'est pas mon truc. Je me suis fixé un type
de chansons en fonction de ce que je fais sur scène : donne-moi une belle
ballade, triste ou mélancolique, comme tu veux, et je suis d'accord.
Mais là, c'était une petite chanson d'amour bien gentille, bien
mignonne et je ne voyais pas comment l'interpréter. En fait, ça
dépend de tes propres sentiments. Mais mon manager a insisté :
tu dois l'écouter. J'ai répondu: je la déteste. A bout
d'argument, il m'a dit d'aller voir Terry Britten, le compositeur : tu verras
comme il est brillant, a-t-il ajouté. J'ai donc rencontré Terry.
Il m'a joué le morceau sur sa guitare, on s'est expliqué, et voilà.
J'ai su qu'il ferait ce que je voudrais, même changer la chanson. Ce que
je ne voulais pas, car il m'avait convaincu. Et puis ce fut la grande surprise,
dans la mesure où on avait beaucoup tergiversé avant de sortir
ce titre en single : bingo ! Un n°1 aux Etats-Unis, et dans beaucoup d'autres
pays aussi.
A
46 ans, voici Tina Turner revenue au tout premier plan et sa forte personnalité
intéresse les gens de cinéma. En août 85, dans "Mad
Max au-delà du Dôme du Tonnerre", le troisième volet
des aventures de Max le Dingue, elle joue le rôle de la maléfique
Entity. Bien sûr, on lui demande d'interpréter deux extraits de
la bande originale du film, "One of the living" et "We don't
need another hero", grâce auxquels elle décroche pour la deuxième
année consécutive le Grammy de la meilleure chanteuse rock.
Nous
sommes en 1985. Grâce à l'album "Private dancer", suivi
de sa participation au film "Mad Max 3", Tina Turner vient de réussir
le come-back le plus extraordinaire et le plus retentissant de l'histoire du
rock. Le 13 juillet 85, Tina est sur la scène du Live Aid à Philadelphie
où elle chante avec Mick Jagger; en novembre, elle retrouve les hits-parades
grâce à son duo avec Bryan Adams, "It's only love". Il
faut maintenant songer à donner une suite à "Private dancer",
car on en a épuisé presque toutes les ressources. Ce n'est pas
si simple. Après une telle réussite (on a vendu près de
10 millions d'albums dans le monde), le faux pas est interdit et Tina le sait.
Elle prend son temps et c'est finalement en septembre 86 que paraît l'album
"BREAK EVERY RULE". "Break every rule" a été
entièrement réalisé en Europe et Tina y reste fidèle
à ceux qui l'ont aidée par le passé. Il n'est donc pas
étonnant d'y retrouver des noms comme ceux de Mark Knopfler, Rupert Hine,
Bryan Adams (qui lui apporte un nouveau Grammy avec "Back where you started"),
Paul Brady et David Bowie. Le gros succès de l'album, c'est "Typical
male", signé comme "What's love got to do with it" par
Graham Lyle et Terry Britten.
Tina
Turner tourne sans arrêt. Non plus comme au temps des vaches maigres dans
les petits clubs,
mais dans de grandes salles, dans des stades, et à guichets fermés.
Enregistré en Angleterre, en Allemagne et en Suède, le double
"TINA LIVE IN EUROPE" est un condensé du "Private Dancer
Tour" de 85 et du "Break Every Rule Tour" de 87. Il comprend
24 titres et accueille des invités prestigieux comme Robert Cray, Bryan
Adams, David Bowie et Eric Clapton. Parmi les inédits, Tina propose le
tube de Robert Palmer "Addicted to love", devenu au fil des années
l'un des moments les plus chauds de son spectacle.
Tina Turner est très attachée au vieux continent, bien au-delà du fait qu'elle lui doit sa seconde carrière. Lorsqu'on lui demande pourquoi elle a choisi l'Europe, elle répond : "Parce qu'Ike Turner n'y est pas... Non, à cause de la pluie, vraiment. Je ne connais rien de plus émouvant que la pluie sur une forêt suisse, sur Saint-Paul-de-Vence ou sur Florence" :
Interview
Tina Turner
C'est
vrai que je me sens très européenne. Ça m'a pris il y a
longtemps, lors de ma première visite en Europe. J'ai su alors qu'éventuellement,
je m'y installerais un jour. Je ne savais pas quand, ni comment, mais je le
pressentais. Ma carrière a démarré aux Etats-Unis, mais
les producteurs là-bas ne savaient pas comment m'utiliser. Ils étaient
plutôt négatifs et hésitants à mon égard.
Et toute l'énergie est venue de Grande-Bretagne.
Le 27 mars 88 au Japon, à Osaka, Tina Turner donne le 220ème concert de sa tournée. C'est aussi, si elle ne revient pas sur sa décision, l'ultime concert de sa carrière. A bientôt 50 ans, elle a décidé de tourner la page. Elle continuera à enregistrer des disques, on la verra encore dans des shows télévisés, mais elle ne fera plus de scène parce que, dit-elle, "il ne faut pas détruire les bons souvenirs". En août 89, Tina Turner est n°1 dans sept pays européens avec "The best", le premier extrait de son nouvel album, "FOREIGN AFFAIR". Pour la première fois, elle est intervenue dans la production et les arrangements, mais pas dans la composition, confiée à des pointures comme TonyJoe White, Dan Hartman, Albert Hammond ou Holly Knight.
Le 18 septembre 89, on peut voir Tina Turner sur la scène du Sadler's Wells Theatre où elle se produit avec John Cleese, des Monty Python, dans un spectacle intitulé "Hysteria 2". Les bénéfices de cette soirée sont versés au Tony Higgins Trust, une association de lutte contre le SIDA. Le 26 novembre, Tina fête somptueusement son 50ème anniversaire au Reform Club de Londres, avant d'annoncer, contre toute attente, qu'elle remontera sur scène en 90. La tournée "Foreign affair", la dernière, Tina le jure, démarre en avril 90 à Anvers et occupe une bonne partie de l'année. En décembre, la chanteuse retrouve le chemin des hits-parades avec "It takes two", la reprise d'un titre créé par Marvin Gaye et Kim Weston qu'elle interprète en duo avec Rod Stewart.
"It
takes two" réapparaît en octobre 91 sur une compilation consacrée
à Tina Turner, intitulée en toute modestie "SIMPLY THE BEST"
("La meilleure, tout simplement"). "Simply the best" compile
le meilleur des 4 albums que Tina a enregistrés pour Capitol, c'est-à-dire
"Private dancer", "Break every rule", "Foreign affair"
et "Live in Europe", auquel s'ajoutent un réenregistrement
"disco" de son tube de 1973, "Nutbush City limits", ainsi
que 3 titres inédits qui feront tous l'objet d'une parution en single.
Toujours en 91, Tina Turner retrouve la British Electric Foundation pour le
volume 2 de "MUSIC OF QUALITY AND DISTINCTION" : cette fois, elle
interprète "A change is gonna come", une composition de Sam
Cooke. Tina figure aussi au générique de "TWO ROOMS",
l'album qui rend hommage à Elton John et Bernie Taupin. Elle a choisi
de reprendre "The bitch is back", le titre avec lequel elle ouvrait
ses shows dans les années 70.
Après
une année off, Tina Turner fait sa rentrée en juin 93 avec "WHAT'S
LOVE GOT TO DO WITH IT", la bande originale d'un film qui retrace sa vie
et tiré de son autobiographie, "Moi, Tina". Le film, produit
par les studios Disney, est une réussite tant sur le plan artistique
que commercial : l'ambiance des années 60 et 70 est parfaitement rendue
et surtout, on a évité de tomber dans le manichéisme, à
savoir la frêle et innocente Tina opposée au méchant Ike.
Ike et Tina sont interprétés par Laurence Fishbone et Angela Bassett
qui se verront tous deux récompensés par une nomination aux Oscars.
Quant à l'album "What's love got to do with it", il est composé
en majorité de titres anciens destinés à illustrer le film
et réenregistrés spécialement par Tina dans des versions
proches des originaux : on retrouve ainsi "A fool in love", "Proud
Mary", l'incontournable "Nutbush City limits" ou "Disco
inferno". Pour faire bonne mesure, on a rajouté trois inédits,
dont le single "I don't wanna fight" qu'on peut entendre sur le générique
du film. Dans la foulée, Tina s'embarque pour une nouvelle tournée
d'adieu, tournée qui visite les Etats-Unis pour la première fois
depuis 6 ans.
Semi-retraitée
du rock, Tina Turner méritait bien un hommage à sa dimension et
c'est chose faite en février 95 avec la parution du coffret "THE
COLLECTED RECORDINGS - SIXTIES TO NINETIES", trois CDs qui explorent de
manière thématique 35 années d'une carrière riche
en événements et en tubes. Le premier CD est consacré à
la période Ike & Tina Turner et compile leurs titres les plus marquants.
Le second disque, certainement le plus intéressant, rassemble tout ce
que vous ne trouverez pas sur les albums de Tina : B-sides, démos, collaborations
extérieures, musiques de films et duos. Quant au troisième CD,
c'est une compilation des succès de Tina sur Capitol, période
qui va de l'album "Private dancer" à la bande originale du
film "What's love got to do with it". Seul regret concernant le coffret
: sa présentation (un simple boîtier double) qui n'est pas à
la hauteur de son contenu.
En
novembre 95, c'est Tina Turner qui interprète le thème du nouveau
James Bond, "GOLDENEYE". Si la musique du film est signée par
le français Eric Serra, la chanson "Goldeneye" est due à
la plume de The Edge et Bono du groupe U2 :
Interview
Tina Turner
C'est
moi qui leur avais demandé de m'écrire une chanson. Ils m'avaient
invitée chez eux, dans le midi de la France, d'ailleurs pas très
loin de ma propre maison, et c'est à cette occasion que je leur avais
fait ma demande. Je savais qu'ils le feraient mais je ne me doutais pas que
ce serait pour "Goldeneye". Bono a écrit la chanson d'un seul
jet. Il avait passé sa lune de miel là où vivait Ian Fleming,
l'auteur de James Bond, et il disait que pour cette raison il était le
mieux placé pour composer le thème du film. Il m'a envoyé
un texte mal dégrossi, griffonné sur un papier en m'expliquant
comme pour s'excuser que U2 préparaient leur propre album, et qu'on affinerait
la chanson en studio. J'étais perplexe mais bon, je l'ai cru parce que
je les connaissais, j'aimais leur travail et j'étais sûre qu'ils
savaient ce qu'ils faisaient. Quand je suis arrivée au studio, ils étaient
là tous les deux, The Edge et Bono. Bono tournait en rond et me passait
le texte au fur et à mesure. On a fait la chanson comme ça et
c'était super.
Le succès instantané de "Goldeneye" ( un Top 5 en Europe) permet à Tina Turner d'envisager avec sérénité la sortie de son nouvel album, "WILDEST DREAMS", d'autant qu'elle s'est entourée une fois encore du gratin des auteurs-compositeurs, producteurs, artistes et musiciens du moment. Parmi ceux-ci, on découvre des nouveaux comme les Pet Shop Boys, Nellee Hooper et Sheryl Crow, chargés de maintenir Tina en phase avec les années 90. Outre "Goldeneye", l'album "Wildest dreams" propose 11 titres, dont la reprise du "Missing You" de John Waite. Il paraît trois ans après la bande originale du film "What's love got to do with it", mais surtout sept ans après son véritable dernier album studio, "Foreign affair", ce qui peut sembler long:
Interview
Tina Turner
J'ai voulu ce délai, j'ai voulu cet espace. Je désirais m'éloigner au moins 5 ans. J'avais besoin de m'accorder tout ce temps pour vraiment savoir si j'avais encore l'envie de revenir, une véritable envie. J'ai passé ma vie à travailler, à enchaîner album sur album, tournée sur tournée et cette période de repos m'a fait le plus grand bien. J'ai pu me consacrer à la personne privée et mettre de côté la chanteuse, la personne publique. Maintenant, je suis vraiment surexcitée à l'idée de ce come-back. J'ai un très bon album, des chansons que je suis impatiente d'inaugurer sur scène et j'ai beaucoup de plaisir à retrouver mes musiciens. Mais ce qui me motive par-dessus tout, c'est de remonter sur scène. Lorsque je vais saluer le public et qu'il me répondra "Hi Tina", je sais que l'émotion sera très forte et je ne voudrais pas rater ce moment.
La tournée "Wildest dreams" parcourt l'Europe avant de s'exporter sur le continent américain en 1997 où elle engrange 25 millions de dollars de recette. Après cette année bien remplie, Tina Turner a besoin de se reposer : elle passe l'essentiel de 98 loin de la scène et des studios, nous gratifiant malgré tout d'un nouvel enregistrement ici et là : elle donne une version inédite de "Love is a beautiful thing" sur l'album hommage à Diana, triomphe en Europe grâce à son duo avec Eros Ramazzotti, "Cosse della vita", chante "He lives in you" sur la bande originale du "Roi lion 2" et "Easy as life" sur le "Aïda" d'Elton John et Tim Rice. Cette collaboration avec Elton John débouche sur l'annonce d'une grande tournée américaine commune et sur la participation des 2 stars au show télévisé " VH-1's divas '99" le 13 avril dernier. Malheureusement, Tina et Elton se fâchent lors de la dernière répétition et si le show a bien lieu, contrat oblige, la tournée est purement et simplement annulée. Le CD qui rend compte du spectacle, "VH-1's DIVAS '99", est aujourd'hui dans les bacs en même temps que le nouvel album de Tina Turner, "TWENTY FOUR SEVEN".
Comme ses prédécesseurs, "Twenty four seven" propose 11 chansons très commerciales, taillées pour les hits-parades, ce qui n'exclue en rien la qualité. L'album recèle en effet de nombreuses perles comme le single "When the heartache is over" produit par le duo responsable du "Believe" de Cher, "I will be there", un inédit dû à la plume des Bee Gees ou "Go ahead", arrangé par le maître des cordes David Arnold. Avec cet album, Tina s'est fait - et nous fait par la même occasion - un beau cadeau d'anniversaire, elle qui fêtera ses 60 ans dans une semaine tout rond, le 26 novembre. "Twenty four seven" sortira aux Etats-Unis le 1er février 2000 et Tina en profitera pour enchaîner avec un grande tournée du continent nord-américain. Une tournée européenne de 17 dates suivra. Elle débutera le 30 juin 2000 à Zurich, la ville où la chanteuse a élu domicile depuis quelques temps, et passera par Paris.